Dimanche 2 juillet 2000, deuxième étape : Futuroscope-Loudun


Une fois de plus, le Mayennais 'a pu résister à l’envie de prendre l'air, même s'il comprit rapidement que son échappée avec Dekker était vouée à l’échec.
« Le soleil était là, alors je me suis dit pourquoi pas ! » Ce n'est surtout pas à trente-trois ans que l'on changera Jacky Durand ! Ce baroudeur hors pair, spécialiste des échappées au long cours devenues sa marque de fabrique. Rappelez-vous, son premier coup d'éclat en 1992. Sous le maillot Castorama, un petit Français presque inconnu (troisième année professionnelle) remportait le Tour des Flandres, trente-six ans après Jean Forestier, et surtout après plus de 220 km d'échappée.
Depuis, « Dudu » est devenu un bouffeur de kilomètres. Ses victoires les plus marquantes—exception faite de Paris?Tours 1998 et de sa victoire dans le prologue du Tour 1995 à Saint-Brieuc—, le Mayennais exilé à Grenoble les a toutes obtenues après de longs raids : 150 km lors de sa première
03/07/00, L’Equipe, à Loudun, Barbara RUMPUS
victoire d'étape sur le Tour de France (Cahors 1994) puis 115 km dans le Tour 1998 à Montauban. « J'aurais dû comptabiliser tous les kilomètres que j'ai accomplis tout seul, devant ou lâché, déclarait hier le coureur de Lotto. Une chose est sure : je ne passe pas beaucoup de temps dans le peloton. »
Pourtant, comme il le reconnaît lui-même — parole d'expert « sur dix tentatives, une seule va au bout ». Mais Jacky Durand appartient à cette catégorie de coureurs généreux dans l'effort et ce déchet est loin de le rebuter. « En fait, je m'étais promis de rester calme les deux premiers jours. Et puis le naturel a repris le dessus. Il y avait 95% de chances pour que l’étape se conclue au sprint, mais avec les 5% qui restaient, je me suis dit qu’on pouvait peut-être en décider autrement.» Aussi, quand le Néerlandais de Rabobank Erik Dekker décida de prendre la poudre d’escampette après 35 km de route, Dudu, bandana au vent, sauta dans la roue sans trop se poser de question. « Dans le peloton, il y a les grimpeurs, les sprinters, les spécialistes du contre-la-montre et les suiveurs. Et moi, je ne fais pas partie de cette catégorie. Je suis un attaquant. » Mais en habitué des longues distances, Durand, deuxième du Tour de France la semaine dernière, comprit vite que cette fois-ci n’était pas la bonne. « A deux, avec une avance maximale de cinq minutes et le vent de face pour finir, c’était impossible. Mais Dekker voulait faire les bonifications et roulait, roulait, roulait. Et moi, ce n'est pas mon genre de me relever. Une fois qu'on est devant, on continue.» Ce n'est effectivement pas lui qui se releva, mais le peloton qui l’avala au kilomètre 148, soit après 113 bornes à l’avant, tandis que Dekker avait craqué quatre kilomètres plus tôt et terminait l’étape à un quart d’heure. Au-delà du simple coup de publicité que ses sponsors apprécieront, eux qui lui reprochèrent un manque de résultats au printemps, Durand n'a pas tout perdu dans l'affaire, grappillant 19 points au classement de la combativité dont il est le lauréat sortant. Mais ce qu’il vise avant tout, c’est une victoire d’étape : « Après le contre-la-montre, les écarts se seront creusés au classement général, il sera plus facile de sortir.» Alors, dès mercredi prochain, dossard 135 à surveiller.

03/07/00, L’Equipe

Le vent de face a retardé la progression des coureurs au cours d'une deuxième étape qui s'est déroulée dans la tradition : avec une échappée de Jacky Durand et un sprint de Tom Steels.
Comme l'ensemble des coureurs, Jacky Durand, vieil habitué des départs très nerveux du Tour de France et des quarante kilomètres qui représentent le minimum horaire syndical, a été "surpris" de voir la première étape démarrer sur un rythme allégé: 29 bornes franchies au bout d'une heure. "Mais le patron de la course, c'est toujours le vent", rappelle Serge Parsani, le directeur de la Mapei qui a encore connu le succès.
 
 
 
 
3/07/00 L'Equipe 
Il soufflait de face sur l'essentiel du parcours, ce qui réduisait considérablement les chances de réussite d'une échappée. Là où la logique aurait voulu que les débutants se lancent dans une folle offensive, deux coureurs de grande expérience, vus et revus depuis près de dix ans dans les attaques de plaine, Erik Dekker le premier, Jacky Durand ensuite, se sont portés aux avant-postes, demeurant en tête pendant 111 kilomètres. 
"Notre tentative était limitée par les 95% de chances d'arrivée au sprint, explique le Mayennais. Il fallait se raccrocher aux 5 % restantes. J'attendais le retour d'une quinzaine de coureurs parmi lesquels il y aurait eu un Cofidis. Dans ces conditions seulement le peloton aurait fait rideau derrière. Mais en restant à deux, comme 
Dekker était dixième au général, nous n'avions quasiment aucune chance. Cela dit, comme lui roulait, moi je n'allais pas me changer : je ne suis pas le style de coureur à me freiner quand je suis échappé."
Que reste-t-il alors comme source de motivation, lorsqu'une échappée est vouée à l'échec ? Assurément le prix de la Combativité, qui récompense chaque jour le concurrent le plus offensif et fait également l'objet d'un classement général dont le leader est distingué depuis deux ans par un dossard rouge. Il est attribué par un jury composé par huit personnalités : Jean-Marie Leblanc, le directeur général de la course, Jean-François Péscheux, le directeur sportif du Tour, Charly Mottet, un de ses adjoints, Bernard Hinault, l'ambassadeur de la Société du Tour de France, Bernard Thévennet, consultant de France Télévision, et trois journalistes : Gérard Holz, Jean Montois de l'AFP, et Jean-Paul Brouchon de France Info.
Hier, ces hautes autorités du cyclisme ont désigné Erik Dekker. Depuis deux ans, le plus combatif du Tour est Jacky Durand. Ce qui a valu à l'organisation des critiques acerbes dans la presse étrangère. A ses yeux, cela avait juste valeur de lot de consolation pour des Français en mal d'honneur. Depuis juillet 1997, un seul d'entre eux, Jacky Durand justement, a remporté une étape du Tour (à Montauban en 1998). Mais ce prix est quand même doté de 10 000 francs par jour et 100 000 francs au final.
"La combativité n'est pas un objectif en soi, poursuit le Mayennais. Même après deux victoires de rang. Je recommencerai sans doute à m'échapper, mais on verra après le contre-la-montre par équipes où Lotto va perdre beaucoup de temps. Je serai alors assez loin au général pour ne pas être dangereux pour le maillot jaune. A le défendre, Cofidis a sûrement perdu autant de forces que moi dans cette première étape."
Mais la formation nordiste a fait ce choix de maintenir David Millar en jaune le plus longtemps possible. Quitte à s'incliner plus lourdement mardi entre Nantes et Saint-Nazaire. Pour l'heure, le rêve éveillé du jeune Ecossais se poursuit. Il a même grapillé deux secondes de bonification en route.

Jean-François Quénet, l'Equipe, 3/07/00

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